Peut-on continuer à masquer les immenses périls que font courir à notre société non seulement la précarisation de l'emploi, mais aussi des liens et des repères ? Chacun se sent de plus en plus vulnérable, de plus en plus seul, et donc de moins en moins enclin à engager avec confiance sa relation aux autres. La peur endurcit l'individualisme, stimule la violence, dénature la solidarité, pervertit la démocratie. Or, une société désunie est une société désarmée. Ce qui laisse à penser que le pire est encore devant nous. Car le doute est si prégnant partout et sur tout, qu'il engendre passivité et cynisme, avec le refus d'entendre les sages prédictions de ceux qui nous ont enseigné que l'énergie du rejet peut devenir l'énergie du changement. Et pourtant le changement est déjà amorcé, car ici ou là aux quatre coins de l'hexagone, se dressent, comme autant d'actes de résistance, des initiatives qui entravent le repli sur soi, la stigmatisation de la différence, la stérilisation du dialogue. Bien qu'encore marginales, ces actions prouvent que rien n'est encore irréversible lorsqu'à l'échelle d'un territoire on cesse de s'indigner pour agir. L'habitant n'est pas seulement un consommateur mais producteur de liens, le retraité peut être aidé mais il veut surtout aider, le jeune des quartiers ne veut plus être un problème, alors qu'il est un atout quand s'effacent les frontières. Cet ouvrage s'attache à montrer que ces signes ne peuvent plus être ignorés. Ils doivent au contraire être une inspiration pour engager une véritable révolution de nos conceptions et de nos postures. La crainte de l'autre doit céder la place à la confiance en l'autre. Et cela ne concerne pas que notre rapport à la citoyenneté et à la solidarité, mais aussi notre approche de la démocratie. Celle-ci doit urgemment s'ouvrir à de nouvelles perspectives en renforçant les pouvoirs des élus locaux, en donnant toute leur place aux acteurs associatifs et aux habitants, en revitalisant le service public pour qu'il cesse de faire prévaloir ses propres intérêts sur ceux du public. En somme Jean-Louis Sanchez nous invite à bâtir un nouveau contrat social dont il propose non seulement les grandes lignes mais aussi les axes opérationnels. Avec le souci constant de restaurer la tradition démocratique de notre pays dans son aspiration la plus décisive : celle de mettre la liberté et l'égalité au service de la fraternité. Une ambition qui requiert donc la mobilisation de tous car la fraternité ne se décrète pas, elle nécessite le concours de chacun pour s'épanouir. Et c'est chose possible, car à un moment où tout vole en éclat, la promesse de l'autre n'obéit pas à une quête d'excellence, mais bien à une quête de survie. Cet ouvrage politique et sociologique s'inscrit donc dans le prolongement d'autres ouvrages (comme "La fabrique de la défiance", "Une autre voie est possible", "Reprenons-nous", "Indignez-vous"...) qui ont eu le mérite de mettre en avant la nécessité de résister et d'expliciter le délitement de notre société. Mais cet ouvrage, qui s'appuie sur une longue expérience d'observation des défaillances sociales et politiques, se veut plus précis sur les constats et plus stratégiques sur les réponses qui ne concernent pas que les décideurs politiques mais tous ceux qui se sentent concernés par notre avenir commun.
