La fragmentation, le délitement de l’identité dans le temps, dans l’amour ou dans la douleur est la face sombre de la porosité rayonnante, de l’intrication secrète, énigmatique, qui, en des instants privilégiés, unit l’être au monde et les êtres entre eux. Chaque vie est une succession désordonnée de morts ou de pertes voisines de la mort, ou bien, dans le meilleur des cas, un enchaînement instable de fulgurances, octroyées par l’amour, la beauté, la perfection, l’exaltation. Le sentiment de plénitude qui en résulte est toujours éphémère. Ce sont ces instantanés, ces flashs, ces étoiles de feu ou ces astres de cendres, le plus souvent une alternance des uns et des autres, qui s’inscrivent dans la mémoire ; entre eux, il ne reste que le vide, le temps de la vie commune, quotidienne, vite passée, aussitôt oubliée: préfiguration de l’obscurité, du néant, de la mort. La continuité romanesque est donc un leurre. Françoise Rétif
