Les Réfractaires

Les Réfractaires est le premier livre de Jules Vallès, recueillant ses textes publiés entre 1857 et 1864 dans la presse parisienne, de genre et de forme très variables. Ils décrivent l'existence déraisonnable de cette foule disparate d'artistes ratés, d'étudiants jamais diplômés et d'insurgés vaincus, oscillant entre pauvreté et ambition dans le Paris sordide du Second Empire. Le sens tragique et comique unique de l'auteur, son don du rythme et du ton, son orfèvrerie si maîtrisée du piquant qu'elle en devient déchirante, en font le plus grand livre jamais écrit sur cette classe de déclassés, d'irréguliers, marginaux asservis à leurs espoirs et écrasés sous le poids immémorial de l'Ordre. On a pitié, on se moque parfois, mais toujours pour rendre grâce à ces personnages dans lesquels il serait suspect de ne pas se reconnaître. Dans ce XIXe siècle débordant de récits de formation, de ces rise-and-fall balzaciens où la réussite individuelle est rendue tragique par la réussite des autres, Vallès montre une toute autre réalité : ceux qui restent coincés dans les cinquante premières pages du livre ou dans les dix dernières : un fall perpétuel sans aucun rise. Ce roman de déformation invente un nouveau présent dans la littérature : celui dont s'inspireront, un demi-siècle plus tard, les grands romanciers réalistes de l'entre-deux guerres. L'introduction de la présente édition, longue d'une trentaine de pages (biographie et préface), tente de s'écarter autant que possible du langage bourgeois-universitaire qui n'est pas sans responsabilité dans l'oubli relatif où gît Vallès depuis bientôt quarante ans. Les quelques textes géniaux (40 pages) intégrés en fin d'ouvrage devraient mettre d'accord, si besoin est, les lecteurs les plus sceptiques.