Sous les manguiers

« C’est sur l’un de ces chantiers où la souffrance était à son comble, et où les femmes, bébé au dos, sans eau ni nourriture, transportant sur la tête des paniers de graviers, qu’un incident opposa l’un des gardes, préposés sur les travaux, à mon père. Cela finit par la dislocation du fusil du garde entre les mains des deux belligérants. C’était donc un délit grave qui pouvait requérir une peine de mort pour mon père ayant levé les mains sur un agent de l’administration. Sa survie ne résidait que dans la fuite. Sur le champ, il déserta les lieux pour ne plus être revu bien longtemps. Il élit domicile à Grimari et y séjourna dans la clandestinité, puis en public lorsque tous soupçons sur sa présence furent écartés. C’est ma mère qui subit quinze jours de prison à sa place. À sa sortie, elle le suivit avec l’unique enfant qu’il lui avait laissé pendant son évasion. Des six enfants qui suivirent, je suis le quatrième. »