Cannibalisme et immortalité

Ambigu, maléfique ou miraculeux, le chaudron est l'instrument domestique dans lequel réduit la drogue, cuit le repas cannibale, s’accomplissent le rajeunissement, l’immortalisation ou le meurtre. Dans l’ustensile est plongé l’enfant que, dans leur insolence, les pères offrent à l’appétit des Olympiens et que, dans leur jalousie, les mères servent à l’époux infidèle. Mais il reçoit aussi le vieillard que la magicienne prétend rendre à la petite enfance. La cuve de bronze est au centre des conflits qui, à l’aube de l’univers, lorsque les dieux côtoyaient les humains, se nouèrent autour du phantasme de la vie éternelle.Millénaires, les histoires de chaudron, bien avant que n’ait été élaboré un code juridique, narrent les périls de la transgression, régissent l’ordre du monde en réglementant la religion, le pouvoir, la famille et les prérogatives des sexes.Docteur en sciences de l’Antiquité, chercheur au sein du groupe Interdisciplinaire de Recherches sur l’iconographie (UMR), Monique Halm-Tisserant enseigne l’archéologie et l’histoire de l’art grecques à l’Université de Franche-Comté. Elle est l’auteur de nombreuses publications, principalement consacrées à des questions d’anthropologie (pratiques dionysiaques, initiatiques peines et châtiments), et de sémiotique, relatives aux problèmes de la représentation (mimesis, perspective, couleurs, mouvements) dans l’art antique. Elle a publié aux Belles Lettres en 1998 Réalités et imaginaires des supplices en Grèce ancienne.