Psychanalyser serait une entreprise facile autant que dérisoire s’il ne s’agissait que d’enseigner au patient ce qu’il sait déjà –l’existence des complexes d’Œdipe et de castration – en feignant de découvrir avec lui qu’il a, en un âge tendre, désiré d’amour son père ou sa mère, et craint d’en être châtié. La singularité du désir s’inscrit bien dans l’universalité de ces structures ; mais elle reste à découvrir pour chacun.Il faut, pour dégager ces singularités, préciser comment peut se concevoir la fixation d’un trait : ce n’est pas seulement dans l’anecdote du souvenir oublié ou les particularités du roman familial que se repère la constellation originale, mais plutôt dans un chiffre, une formule, une lettre, modèles de l’organisation fantasmatique.Au fil de deux analyses, sans cesse reprises, on fait apparaître que c’est d’être inscrit sur un livre unique, que le trait prend corps en lettre. Ce livre n’est autre que le corps dont la surface, tissée des points vifs de différences exquises, se distingue en zones érogènes : les ouvertures sensibles que constituent ces lieux sont autant de portes vers la jouissance, réalisation immédiate du zéro (annulation), et l’objet est ce vantail d’occasion qui, sous couleur de plaisir, l’obture. La lettre est l’index et la trace de cette rencontre, dans la mesure où son trait peut être abstrait et, comme tel, répété.Psychanalyser, c’est avant tout entendre le mot et saisir le corps à la lettre.Serge Leclaire (1924-1994)Médecin-psychiatre, psychanalyste. Élève et compagnon de Jacques Lacan. Président de la Société française de psychanalyse (1963). En 1968, il participe à l’introduction de la psychanalyse à l’université. En 1989, il est l’initiateur de la "Proposition pour une instance ordinale des psychanalyses".
