Au moment ou` commence ce qui est encore loin d'e^tre une re´volte vraiment organise´e (une dizaine d'attentats contre des personnes commis le 1er novembre 1954), tout le monde est partisan de la souverainete´ franc¸aise en Alge´rie, a` deux exceptions pre`s : les communistes et les nationalistes musulmans. De toutes les grandes discordes qui e´maillent l'histoire de France depuis le XIVe sie`cle, l'affaire alge´rienne est peut-e^tre la seule ou` l'on ne trouve pas – du moins au de´part – l'une ou l'autre des caracte´ristiques traditionnelles de nos de´chirements : jalousie ou ambition d'un clan, lutte de classes ou des partis, soif d'e´galite´ ou de privile`ges, conflit de l'esprit de re´volution et de l'esprit d'ordre, du mouvement et du conservatisme. En 1958, craignant de voir l'Alge´rie brade´e, les militaires et la population d'Alger avaient provoque´ la venue au pouvoir de ge´ne´ral de Gaulle et la naissance de la Ve`me Re´publique. Si de Gaulle, au de´but, laissa entendre a` travers certains discours qu'il conside´rait l'Alge´rie comme devant rester franc¸aise, des signes, des rumeurs et des mots te´moigne`rent vite d'une toute autre conception des choses. Le 16 septembre 1959, son discours sur l'autode´termination sema l'inquie´tude.De 1959 a` 1962, la politique alge´rienne et la personnalite´ du ge´ne´ral de Gaulle perturbe`rent en effet les e´tiquettes et le parti, provoquant des re´visions de´chirantes, des se´cessions spontane´es et des rapprochements tactiques inaccoutume´s.Chez les pieds-noirs, il e´tait naturel que leur attachement a` la terre natale, la de´fense de leurs biens et de leur cadre de vie gomment les diffe´rences de classes ou de partis. Chez les me´tropolitains, civils et militaires, la re´volte contre le pouvoir ou la simple hostilite´ ne dut rien a` des calculs politiques, a` des inte´re^ts mate´riels ou au gou^t de la re´volution. Ce fut une affaire de sentiments personnels et de principes individuels. En fin de compte, dit-on parfois pour simplifier, ce sont tout de me^me des sensibilite´s traditionnelles de droite et de gauche qui se sont heurte´es. C'est oublier que le camp de l'Alge´rie franc¸aise et celui de ses adversaires ont fini par rassembler des gens provenant d'horizons tre`s varie´s. Et les gestes les plus retentissants accomplis contre de Gaulle l'ont e´te´ par des hommes d'ordre croyant aux me^mes valeurs que lui. Mais, prote´geant le Ge´ne´ral contre les sentiments et les e´tats d'a^me, il y avait une certaine conception de l'inte´re^t national, de la primaute´ de l'E´tat et de sa raison.
