La pièce que nous publions ici - et avec laquelle nous inaugurons notre collection En Acte consacrée, comme son nom, nous l’espérons, le laisse entendre, à la création théâtrale - se veut d’abord une comédie. Un bon vieux détective à l’ancienne (façon Burma, mais sans secrétaire…) y étale, en même temps que ses états de service, ses états d’âme ; la femme de ménage (remplaçante) est un véritable danger pour le petit mobilier ; quant à ses clients, c’est à celui (ou à celle) qui sera le (ou la) plus « dingue ». Heureusement, d’ailleurs, que tout ce petit monde nous fait rire, car derrière les dialogues et les situations comiques se cachent, à bien y regarder, des personnages plutôt pathétiques. Le détective est comme prisonnier des déguisements dont il croit être obligé de s’affubler pour exercer sa profession ; Jeanne, sa jolie cliente, est à mille lieues d’être la gentille maîtresse qu’on pourrait croire ; le marchand de chaussures marche carrément à côté de ses pompes ; et le fiancé se met à rêver voyage avec son nouveau pote Émile… Mais tous ces gens qui (sup-)portent plus ou moins bien le costume que l’existence leur fait endosser, et qui bon gré mal gré passent leur temps à jouer un rôle, ne vous rappellent-ils personne ? Les mots costume et rôle vous feront sans doute penser aux comédiens, aux acteurs. Mais encore ? Ces gens pour qui l’image (celle que l’on essaie de donner de soi), le paraître est tout ; et qui finalement, leur vie durant, ne savent pas ce qu’ils veulent ni ce qu’ils sont ?... Mais oui, bien sûr ! c’est de nous dont nous parlons. Nous, pâles êtres humains de ce début de XXIème siècle. Ah ! quand on ne peut plus avoir confiance en la femme de ménage, avec son plumeau - comme si cet ustensile était encore l’attribut de celles qu’on appelle aujourd’hui les techniciennes de surface ! Et quand il faut se méfier de l’auteur elle-même qui se joue allègrement de la règle des trois unités (avec un flash-back d’un acte entier) ! Ce n’est pas pour rien que dans cette pièce, Émile Bonvoisin (qui ne peut plus sentir les siens, de voisins), notre fameux détective, a l’air de se chercher lui-même. Et que le chien - que l’on finit par retrouver - a un nom d’homme !...
