Et si les livres pouvaient tuer? Si les bibliothe`ques, les librairies ou encore les cabinets de livres pre´cieux constituent a` premie`re vue des lieux de savoir sanctuarise´s, e´trangers a` la violence, de nombreux textes de litte´rature policie`re font au contraire le choix d’en exploiter le potentiel mortife`re et menac¸ant. Du fameux livre empoisonne´ du Nom de la rose au faux livre vengeur de Tire´ a` part, du Livre des Neuf Portes imagine´ par Arturo Pe´rez-Reverte au Songe de Poliphile dans La Re`gle de Quatre, les re´cits de «bibliocrimes» regorgent d’ouvrages pour lesquels et par lesquels on tue. Le pre´sent essai se propose pre´cise´ment d’explorer les affinite´s entre le re´cit d’enque^te et le motif du livre appre´hende´ dans toute sa mate´rialite´, a` travers un corpus d’une douzaine d’œuvres fe´de´re´es par des dispositifs narratifs et poe´tiques communs. Au-dela` de la mise en sce`ne de personnages et de lieux pittoresques associe´s au monde du livre, les «bibliocrimes» engagent, plus profonde´ment, une re´flexion d’ordre e´thique sur les pouvoirs de l’e´crit et de ses supports mate´riels.