L’entreprise est-elle toujours, dans l’imaginaire littéraire, cette bouche béante dévorant quotidiennement son lot d'ouvriers et ravalant le prolétariat au statut de « chair à patrons » ? L’idéologie néolibérale tend à la représenter comme le lieu d’épanouissement des individus, comme une structure où convergent le désir de réalisation de chacun, son bien-être matériel et la prospérité générale. Le roman d'entreprise contemporain, afin de désamorcer ces représentations, cherche à en défamiliariser les évidences et à révéler l’ordinaire de la domination. Éclairant les récentes mutations (linguistiques, managériales, structurelles et idéologiques) des grandes entreprises, il en pointe les conséquences socio-économiques, éthiques et anthropologiques et recourt, pour ce faire, à la capacité heuristique de la forme romanesque. En rupture avec les esthétiques réaliste et naturaliste, il invente des formes neuves propres à réfléchir les enjeux contemporains.