Vision de l'homme selon Thérèse d'Avila

La mystique de Thérèse d'Avila suppose et révèle à la fois toute une conception de l'homme. Sans négliger les données historiques, théologiques et littéraires indispensables, l'auteur de ce livre a réalisé une étude philosophique de la vision de l'homme de Thérèse d'Avila telle qu'elle apparaît à travers toutes les oeuvres de la sainte castillane. Aucune expérience humaine - et l'expérience mystique en est une - n'est étrangère à la philosophie. Il apparaît donc légitime, que l'on accepte ou non le caractère divin de cette expérience, d'examiner d'un point de vue philosophique les affirmations que Sainte Thérèse en retire sur l'homme. Le lecteur de Thérèse d'Avila comprend que l'anthropologie qui se manifeste tout au long de ses écrits n'est pas le résultat d'un effort spéculatif visant à élaborer ou à construire une explication sur ce qu'est l'homme, mais plutôt le fruit d'une découverte, sur laquelle Sainte Thérèse a indéniablement réfléchi. Il a l'impression d'assister en quelque sorte à un spectacle auquel il serait invité à participer. L'oeuvre de Térèse d'Avila est contemporaine comme on sait, de la réforme luthérienne qui va influencer profondément la philosophie moderne. Le luthéranisme contribue avec d'autres courants à l'élaboration d'un homme nouveau, l'homme " moderne ", qui servira de fondement aux diverses conceptions anthropologiques postérieures. Cette nouvelle conception de l'homme va s'écarter progressivement de la vision anthropologique chrétienne qui avait dominé durant les siècles antérieurs. Ce contraste idéologique rend donc encore plus intéressante l'étude de l'anthropologie chrétienne telle que l'exprime Thérèse d'Avila. Celle-ci est, en effet, vigoureuse, optimiste, grandiose. Elle se présente comme une aventure invitant l'homme à devenir un héros. L'idée que la vie humaine n'a de sens que comme lutte pour l'impossible est partagée par Sainte Thérèse et les mystiques castillans, par Hernán Cortés et les meilleurs conquistadors, et par Don Quichotte. Derrière cette conception se cache une objection de fond aux thèses luthériennes qui, en bonne partie, ont ouvert les portes à la modernité.