Qui a écrit : « Le bon Dieu a pu mettre des limites à la mer et lui dire : tu n’iras pas plus loin. Mais il ne l’a pas osé pour l’amour, aussi le mien déborde sur vous de toutes parts et je ne sais pas moi-même où il s’arrêtera » ? Réponse : « Juju », le 25 juin 1849 probablement. Le destinataire de cette belle déclaration d’amour : « Toto ». Les héros d’une bande dessinée ? Non, Juju, c’est Juliette Drouet, la maîtresse de Victor Hugo, qu’elle a rebaptisé de ce petit nom tendre et enfantin. Il faut se méfier des lettres d’amour : on s’aime, on s’écrit, on se croit seuls. Mais, quand on est un écrivain aussi célèbre que Victor Hugo, la postérité vous rattrape, on lit vos billets doux et on découvre que le grand Victor, sous la couette, se fait appeler « Toto ». Voyeurisme ? Certes. C’est là l’ambiguïté des lettres d’amour, et leur intérêt : elles nous permettent de nous identifier à des amants qui ont connu des passions d’une intensité rare, de partager leurs vies secrètes et, quand ils savent faire chanter les mots au même tempo que leurs sentiments, de nous délecter de textes qui sont autant de chefs-d’oeuvre, même s’ils ne se ressemblent pas. Les lettres d’Apollinaire à la belle Lou n’ont rien à voir avec celles de Kafka à Milena ni avec celles d’Alfred de Musset à George Sand. Toutes, pourtant, sont, d’un point de vue littéraire, exceptionnelles comme toutes celles qui sont présentées ici, parmi les plus belles jamais publiées. Nous avons raconté pour chacune l’histoire de leur auteur. Extase érotique ou mystique, cris de joie, mélancolie tendre, souffrance de l’absence ou de la rupture : l’amour y est présent sur tous les tons. Il suffit de les lire…