L’œil, ce compagnon de l’ombre... qui murmure « On arrive »

«À cette époque là, Je revenais souvent à Aumeville-Lestre. Enfoncé dans un canapé, à la lumière dormante d’une grande prairie normande et de celles des quelques lampadaires qui m’entouraient, il m’était souvent impossible de ne pas revenir à ces pages, à ces mises en perspectives, en abîmes ; de ne pas me détacher de ce dialogue instauré avec pudeur et humilité entre nos diverses solitudes et silences liés à la vie dans des ateliers d’ailleurs. Ainsi, pendant des mois j’ai écrit et peint, me préoccupant peu du réseau d’amis, de famille, lui reprochant même de m’avoir considéré trop engagé hors des contingences dites normales. Et pourtant ! S’ils avaient su.... Peut-être que, également, je ne savais pas encore vraiment ce que je cherchais... Pour faire revenir ces compagnons de travail et de pensées, souvent de l’au-delà ou de lointaines contrées, j’avais conservé des textes, des tableaux conservés en moi ; ou, lorsque je les avais croisés, leur profil à peine mémorisé... Rien ne m’inquiétait, rien ne me mettait en colère, rien ne me faisait trembler, sauf quand il me parvenait des nouvelles de notre monde. Et puis lorsqu’ici, dans ce lieu, mémoire de souvenirs de la vie... Quand se creusait le temps... Venant d’où ?» - Gilbert Conan