Le pin de la discorde

La Grande Lande, cœur du massif forestier landais, a vécu dans la seconde moitié du XIXe siècle une mutation complète. Le paysage, tout d’abord, a été profondément bouleversé par le boisement systématique de l’ancienne lande rase dévolue au parcours des troupeaux. En même temps, la privatisation de l’espace a engendré d’importantes concentrations de terres et de grosses propriétés foncières. Enfin, l’ancien système agropastoral, obéissant pour l’essentiel à une logique d’autosubsistance, s’est trouvé remis en cause puis remplacé par un nouveau système économique où prédomineront les échanges monétaires à partir des produits issus de la forêt, le bois et surtout la résine. Le gemmage (exploitation de la résine) sera effectué en quasi-totalité par des métayers-gemmeurs. Déjà présent dans l’ancienne société agro-pastorale, le métayage va servir de support social, économique et juridique à la nouvelle économique forestière. L’ouvrage présente une analyse de la transformation des rapports sociaux sous le coup de cette mutation économique et de cette spécialisation résinière de la région. Les Landes offrent un cas exceptionnel, par la radicalité et la précocité du phénomène, où une économie paysanne se trouve rapidement aspirée dans l’orbite de la société globale et industrielle. Les rapports sociaux y deviendront, à l’image du séisme vécu, d’une grande intensité, ponctuée de flambées de violence. Les luttes sociales que connut le massif forestier landais dès le tout début du XXe siècle et jusqu’aux années 1960 ne le cèdent en rien à celles que vécurent à la même époque certaines régions industrielles. A ceci près qu’ici, « l’usine, c’était la forêt »...