Forgeron d’une pensée antérieure même à ce que la Grèce nomma philosophie, Zarathushtra parcourut, selon toute vraisemblance, les terres du nord-est de l’actuel Iran au cours du dix-huitième siècle avant notre ère, inscrivant de fait son empreinte dans l’aube des traditions intellectuelles de l’humanité. Porté par le désir inextinguible de scruter les traits mêmes de la sagesse, ses multiples pérégrinations le conduisirent à édifier un système de pensée structuré autour de vertus élevées au rang de principes sacrés. C’est au fil d’un cycle de sept entretiens qu’il entrevit l’épiphanie du visage d’Ahura Mazda, littéralement le Seigneur Sagesse, vision fondatrice qui orienta son œuvre vers une philosophie centrée sur l’Homme et la puissance créatrice de sa pensée. Par le truchement de cet examen, j’entends restituer à cet astre doré son éclat philosophique d’antan, terni et patiné par les spéculations et les appropriations théologico-religieuses. Il s’agit, en somme, de raviver la vision zoroastrienne du monde : une cosmogonie conceptuelle, anthropocentrique et audacieusement avant-gardiste dans sa réflexion sur l’être humain, sa condition et les pouvoirs dont il dispose. De par sa profondeur et sa structure, cette pensée ou Idée se propose comme un prisme, un instrument de compréhension capable d’appréhender la réalité de notre monde, facilitant pour ainsi dire la lecture des courants de pensée antiques et modernes. Car pénétrant au cœur des traditions anciennes et y apposant son sceau, le faisceau zoroastrien semble avoir, toute proportion gardée, façonné les fondations même de la philosophie. Proto-philosophie, proto-topique de certaines topiques du psychisme, proto-mythologie allégorique et proto-phrónesis, le zoroastrisme semble amorcer, sinon même enclencher le long continuum de la pensée humaine. Aux origines des religions modernes, à la racine de nos élaborations philosophiques, au principe d’un mysticisme parfois teinté d’ésotérisme, se dresse toujours la figure de Zarathushtra. Grand architecte de la pensée savante, il apparaît telle une source intarissable, nourrissant aussi bien les modestes ruisseaux que les vastes fleuves de la spéculation humaine raisonnée.