Présence des Sources Chrétiennes
La rencontre entre les jésuites et les dominicains à Lyon, il y a cinquante ans en pleine guerre mondiale, donna naissance à la collection Sources Chrétiennes aux Éditions du Cerf et provoqua une renaissance de la tradition dans l'Église et de la culture universitaire en France et à l'étranger. Par la publication des textes des Pères, il s'agissait de promouvoir - de rendre possible - un renouveau de la théologie, de la spiritualité et de la mission comme en témoigne l' oeuvre des cardinaux de Lubac et Daniélou. Et ces publications seraient culturellement qualifiées : le père Daniélou est un agrégé de grammaire et Henri-Irénée Marrou a manifesté avec éclat à la Sorbonne l'intérêt de l'histoire du christianisme ancien. A l'instar de la collection Guillaume Budé publiée par les Universités de France aux Belles Lettres, les volumes de la collection Sources Chrétiennes donnent un texte original critiqué, une traduction et un apparat de notes. Pour son cinquantième anniversaire, la collection publiera son 400e volume, la Vie d'Antoine par Athanase, en vue du synode romain sur la vie religieuse.Connaissance des Pères de l' Église consacre un numéro spécial, pour la circonstance, à la Présence des Sources Chrétiennes, après avoir soutenu dans le cadre des éditions Nouvelle Cité, un effort notoire d'initiation aux Pères, initiation en vue de la formation spirituelle et théologique des chrétiens, initiation également pour les jeunes universitaires, en consacrant ces dernières années des numéros spéciaux aux auteurs retenus pour l'agrégation de Lettres Classiques (Chrysostome, Clément d'Alexandrie).La collection Sources Chrétiennes, les auteurs qui ont oeuvré aux volumes, ont modifié et le paysage universitaire ou culturel et la vie ecclésiale.En garantissant un débouché éditorial aux recherches sur les Pères et aux traductions des textes, Sources Chrétiennes a stimulé les travaux universitaires, la création de départements universitaires d'études de l'Antiquité tardive, l'inscription d'auteurs aux concours nationaux. Présentement presque toutes les universités françaises offrent une telle possibilité d'études. Cela a aussi marqué la patristique française qui s'est développée davantage dans les départements de philologie que dans ceux d'histoire, d'histoire des religions, d'histoire des mentalités ou d'histoire des idées. Cependant l'on assiste à une importante évolution de la recherche : il suffit pour cela de comparer l'ancien manuel de J. Quasten, Initiation aux Pères de l'Église, de conception surtout biographique, au manuel idéal et virtuel que contient la collection Initiations au christianisme ancien publiée par le Cerf et le CNRS, qui procède par champs et genres littéraires (littératures gnostiques, Septante, droit et institutions, littératures d'Orient, ...). Le Dictionnaire Encyclopédique du christianisme ancien publié par l'Augustinianum est également, pour une première approche, suggestif d'une diversité nouvelle des approches scientifiques. Tout cela conduit, dans l'université laïque, à une révision de la place qu'il convient d'accorder au christianisme ancien pour l'intelligence du destin de l'Occident.La vie ecclésiale fut aussi profondément marquée par ce travail d'édition sans précédent depuis Migne. Celui-??ci permet (et telle était la volonté des fondateurs) de mieux restituer la théologie à son histoire, plus fondamentalement à sa tradition au sens vivant voire théologal du terme (confessant et existentiel), quand bien même on succombe moins facilement aujourd'hui à une lecture par trop immédiate, que ne la pratiquait Jean Daniélou dans son fameux Essai sur l'histoire de l'Église, par exemple.
